J’ai failli intituler ce post « 9 reasons why I hate to take pictures ». Ou quelque chose de ce goût.
Encore une fois, à force de lire des posts sur le meilleur moyen de construire son blog, j’ai appris que les chiffres dans les titres, ça score.
J’aurais pu mettre 3, ou 7, ou 5. Et j’aurais construit ma liste après.
En vérité, je débute. Et ce qu’il y a de compliqué, quand on commence un blog, c’est de se demander si le post qu’on écrit n’a pas déjà été écrit mille fois. Mille fois mieux.
Evidemment que oui.
Et pourtant. Ce que le yoga m’apprend, ce que l’ayurveda m’enseigne, c’est que dans le fond, ça n’est pas grave.
Nous pourrions bien tous parler de la même chose, qu’il n’y aurait qu’une manière d’en parler qui nous appartienne.
Alors je ne n’ai pas choisi ce titre. Mais je vais quand même parler de voyage. Et de photos.
Cet été, je suis partie dix jours en Ecosse avec ma soeur et pépette.
Dix jours, toutes les trois, à manger du houmous, boire quelques bières et marcher presque tous les jours.
Dix jours de rayons de soleil, de confrontations, avec soi-même et l’autre, avec la nature et les objets
(merci la conduite à gauche). Dix jours de rire. Un peu de larmes.
Et au milieu de tout ça, les images. Les images de ce qu’on vit, de ce qu’on voit, de ce qu’on veut faire partager aux autres.
Le premier matin, je suis partie me promener toute seule, le long de la mer.
Une des premières choses qui m’a frappée, c’est une boîte aux lettres, rouge vif, encastrée dans le mur en granit que je longeais.
La mousse autour était d’un vert lumineux, ce même vert que j’avais trouvé en Irlande et à la Plaine des Cafres.
Mais je n’ai pas pu prendre cette photo. Mon téléphone n’avait plus de batterie.
J’ai pensé revenir.
Et l’après midi où je suis revenue, mon téléphone s’est éteint, encore.
Une amie m’a dit pendant ce voyage « Continue à nous faire rêver avec tes photos ».
Pourtant je n’ai pas pour habitude de prendre des photos classiques en vadrouille. Je déteste ça.
Tout le monde peut acheter une carte postale avec une vue inoubliable d’un monument ou d’un paysage.
Je ne suis pas photographe. J’aime simplement prendre des photos pour partager avec l’autre ma vision du monde.
Mais je me suis demandé, suite à cette réflexion: à quel moment sait-on qu’on prend des photos pour soi? Pour les autres? Pour se conformer à l’image qu’on veut donner aux autres?
A ce qu’on imagine que les autres attendent de nous?
Toutes ces questions, je suppose bien que tout le monde se les pose.
Bien sûr que je pourrais les énoncer tranquillement, accoudée à un comptoir, en parlant de la pluie et du beau temps, et de sujets dont on peut débattre facilement parce que c’est dans l’air du temps.
Mais quand même. J’ai trouvé que ça méritait de s’arrêter un instant.
Parce que les plus belles photos de ce voyage sont celles que je n’ai pas prises.
Je n’ai pas pu les prendre.
A cause de la batterie, à cause de la lumière, ou parce que simplement, je n’avais pas envie de les prendre.
Lorsque nous sommes allées visiter le château de Dunnotar, j’ai vraiment regretté cette panne de batterie.
Nous nous sommes garées en ville, à Stonehaven, et nous avons tranquillement grimpé le chemin qui nous amenait au château.
D’abord par la route, puis sur un petit chemin de terre qui longeait la falaise.
A notre gauche, la falaise se jetait dans la mer. On pouvait apercevoir une crique en contrebas..
En face, le château s’est annoncé au bout de quelques centaines de mètres.
Et à notre droite, les champs dansaient avec le vent.
C’était unique. Inestimable. J’ai revu ces images de Ken Loach, dans The wind that shakes the barley (Le vent se lève).
Ou celles de Terrence Mallick, dans Days of heaven (Les moissons du ciel).
En un instant, j’ai eu aussi en mémoire Stendhal, Proust, Mahler et tout ce qui a construit mon monde.
Une fraction de seconde a suffit à me rappeler à quel point tout peut être simple.
A quel point cette connexion avec l’ensemble de l’univers (pardon pour les gros mots) est évidente, lorsque l’on veut bien s’arrêter pour la regarder en face.
Il y a quelques mois, presque un an peut-être, alors que je remplissais les comptes rendus pour ma formation de professeur de yoga, j’avais évoqué mon regret d’être trop dans la performance, en randonnée par exemple.
Est-ce à ce moment que ma formatrice m’a appelée « conquérante de l’inutile »?
Je n’en ai plus le souvenir.
La blessure d’ego qu’a provoqué cette réflexion a en tout cas permis de commencer à percevoir le sens de la notion de « Vayragya », le détachement.
Je peux encore faire l’erreur de passer à côté de ma vie.
Mais j’essaie de m’en rapprocher le plus possible.
Alors peu importe si j’ai raté de nombreuses photos.
J’ai vécu.
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