Le jour où j’ai voulu manger de la soupe thaïe aux courgettes

Ca commence toujours de la même manière.
Sur le papier, les choses sont alléchantes.
Cet appartement airbnb à Vienne avait l’air génial, jusqu’à ce que l’on se rende compte que le salon et la chambre ne faisait qu’un, qu’il fallait dormir à trois sur un canapé composé de gros cubes, que les draps sentaient beaucoup trop fort la lessive et que la douche créait des inondations malgré nos efforts surhumains pour diriger l’eau du bon côté.

Et encore, ça pourrait être pire.

On pourrait voir un plat vraiment appétissant, disons, allez, une soupe de courgettes thaï, avec des promesses de piquant, de douceur et de saveur en même temps, on sentirait déjà le gingembre faire frémir les narines et le lait de coco nous tapisser le palais, et puis au moment de goûter…
Eh oui.

Au moment de goûter, ça sentirait le chou, ça serait fade, et on croirait que cette soupe a été recyclée en mélangeant des repas de l’hôpital d’à côté et ceux de la cantine de mon collège.

Oui, ça commence souvent de la même manière.
Les choses ont l’air, de loin, phénoménales, et quand on met le nez dedans, elles deviennent, au mieux, passables.
La soupe, en l’occurrence, était tellement insipide qu’elle a eu de la chance de tomber sur un jour où j’avais besoin de manger quelque chose de chaud, sinon, au grand désespoir de ma conscience écoresponsable, elle aurait certainement fini dans l’évier.
Je crois que même quelqu’un sans palais n’aurait pas pu l’apprécier.

Il ne faut pas vendre du rêve quand on promet, sinon du cauchemar, à tout le moins, de la somnolence sans saveur ni caractère.

Tout ça m’a conduit à m’interroger.
A quel moment s’arrête la mise en valeur pour devenir de la tromperie?
A quel moment l’esbroufe sympathique devient mensonge éhonté?

Nous avons tous, un jour, un peu exagéré.
Pour la forme. Pour la beauté de l’histoire.
Pour la perfection de l’anecdote. Pour le plaisir.
Mais à quel moment avons-nous basculé dans la malhonnêteté?
Dans le mensonge qui perd l’autre?
Qui brouille les pistes et lui fait croire qu’il va manger cette soupe de courgettes thaïe au lieu du liquide au goût de brocolis passé que recèle vraiment la bouteille?

D’aucuns diraient, qu’importe le flacon…
D’accord. Mais on parle de sincérité là, d’intégrité, de cohérence.

Je me demande souvent comment faire pour me présenter, présenter ce que je fais, sous un angle positif, valorisant, sans être en train de tromper la galerie.
C’est précisément parce que j’ai eu tellement souvent l’impression d’être abusée que j’en deviendrais presque désabusée.
Parce que j’ai tellement l’impression que tout le monde vend du rêve que je voudrais être vraiment honnête.
Ne pas vous dire que ma recette de pâte à tarte est la meilleure sur terre.

Même si je le pense.
Parce que, pour vous, peut-être, elle sera moins bonne que ce que vous avez imaginé en lisant que c’était la meilleure sur terre.
Parce que nous sommes tous différents, que nous avons des attentes différentes, et qu’en plus nous évoluons tous les jours, et nos envies avec nous.
Certes, certains parmi nous évoluent de manière moins spectaculaires que d’autres, j’entends, sont plus stables, moins éparpillés.
[box type= »info »]Certains d’entre nous sont très volatiles.
Ce qu’ils vont aimer un jour, ils vont le rejeter le lendemain.
Ceux là porteraient ma pâte à tarte au pinacle avant de la jeter du haut de la roche tarpéienne.
D’autres sont pleins de certitudes.
Jamais, au grand jamais, ils ne goûteraient ma pâte à tarte, parce qu’elle n’a pas de beurre, et qu’une pâte à tarte, madame, une pâte à tarte digne de ce nom, se fait avec des proportions précises, prédéfinies, et dans ces proportions j’aime autant vous dire que le beurre a son rôle à jouer, oui madame.[/box]
De quel droit, alors, irais-je prétendre que ma pâte à tarte est la meilleure du monde?

Et dans la même logique, quelle légitimité ai-je à mettre en valeur mon activité?
Pourquoi viendriez vous prendre des cours de cuisine avec moi?
Pourquoi viendriez vous me voir pour une consultation ayurvédique?
Pourquoi assisteriez vous à un de mes cours de yoga? Ou à un stage?

Certainement pas parce que je vais faire semblant d’être la meilleure.

Parce que je l’ai appris, maintenant, être la meilleure, ça ne sert à rien, et surtout, ça ne veut rien dire.
La meilleure.
Au regard de quels critères?
Pour qui?
Pourquoi faire?

Aujourd’hui, je voudrais juste être une soupe de courgettes honnête.

Je mettrais beaucoup de gingembre dedans, et je préviendrais les gens que j’en ai beaucoup mis.
Et puis un peu de lait de coco, mais je le dirais aux gens aussi.
Attention, il y a un peu de lait de coco. Mais pas trop.
Je mettrais peut être du poivre aussi.
Et surtout, je choisirais mes courgettes.
Elles seraient douces.
Elles n’auraient pas atteint le stade où elles deviennent amères.
Ou alors, si elles étaient devenues amères, je le dirais sur l’étiquette.
Attention, les gens, cette soupe est faite avec des courgettes un peu amères.
Je n’essaierais pas de vendre du rêve.

Aujourd’hui, c’est cette personne que j’ai envie d’être.
J’ai simplement envie d’être vraie, d’être moi, d’arrêter d’être dans la stratégie permanente que nous imposent les exigences de réussite.

Peu importe les échecs.

Je voudrais laisser aux autres le choix de me choisir ou non, en connaissance de cause, comme j’aimerais qu’on me laisse le choix, sans essayer de me promettre la lune quand on ne peut m’offrir qu’un galet.

Parce qu’en plus, j’aime bien les galets.
Et je parie que je ne suis pas la seule.

Bonus track:
Recette de pâte à tarte.
La meilleure de toutes celles que j’ai essayées jusqu’ici.

Ingredients

Pour un moule à tarte classique

  • 75g de farine de sarrasin
  • 75g de son d’avoine
  • 50g d’huile de coco
  • 50ml eau tiède
  • 1 cuillère à soupe de graines de lin
  • 1 cuillère à soupe de graines de tournesol
  • 1 cuillerée à café de sel

Instructions

  1. Placez tous les ingrédients dans un saladier et mélangez pour former une boule homogène. L’eau tiède va aider l’huile de coco à fondre et à se mélanger de manière homogène au reste. L’idée est que la pâte reste un peu friable, à l’image d’une pâte brisée.
  2. Etalez la pâte sur du papier cuisson (j’utilise du papier cuisson écologique, c’est moins pire pour la planète et la santé). Vous pouvez terminez en peaufinant avec les doigts.
  3. Placez votre garniture et mettez à cuire à 180°C pendant environ 25 minutes.
    Notez que le temps de cuisson va dépendre de ce que vous avez mis sur la pâte.



Pourquoi j’adore cette recette et j’estime que c’est la meilleure:

  • J’ai retrouvé le goût sablé de la pâte à tarte de ma mère (qui elle, mettait, évidemment, du beurre et pas de l’huile de coco)
  • Grâce au sarrasin et au son d’avoine, c’est une bonne option sans gluten, sans le côté parfois insipide du sans gluten (notez qu’il vous faudra pour cela un son d’avoine certifié sans gluten, puisque cette céréale en contient de petites quantités)
  • Au croquant fondant de la pâte s’ajoute le croquant des graines, gourmandise supplémentaire
  • Et enfin, last but not least, argument qui dépasse tous les autres pour moi, cette pâte est très versatile: vous pouvez l’utiliser en salé, en sucré (en ajoutant, si vous le souhaitez, une cuillère à soupe de sucre intégral à la recette), en petits sablés apéritifs, en croquants, en sablés sucrés, et même en crumble!

Alors voilà, maintenant que cette recette est là, sur le papier, sans fioritures, vous pouvez la tester, l’adapter, passer votre chemin, aller manger des frites ou vous promener.
Parce que je vous ai promis un galet, et je vous donne un galet.
Bien sûr, je l’ai décoré un peu, avec qui je suis, d’où je viens, et où je vais.
Mais il reste ce caillou, identique à tellement d’autres, et pourtant singulier, que vous pouvez choisi, ou non.

 

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